9-10 déc. 2024 Sainte-Clotilde (La Réunion)

Programme

L’INDE

des

OCCIDENTAUX

 

 

               UNIVERSITE DE LA REUNION – CENTRE DE RECHERCHES DIRE – LCF –   

UNIVERSITÉ DE BÉNARÈS – IRT de La Réunion

 

Organisation

 Monique HOARAU

Parwine PATEL

Françoise SYLVOS

 

COMITE SCIENTIFIQUE

Carpanin MARIMOUTOU

Vincent MUGNIER

Françoise SYLVOS

Vilasnee TAMPOE-HAUTIN

 

 

 

RESUMES

 

 

BAREL-MOISAN, Claire

ENS Lyon/UMR LIRE

 

TITRE : « Figures indiennes dans le roman populaire et la sphère médiatique de la Belle Époque : la fabrique des stéréotypes. »

RESUME : Les représentations de l’Inde abondent à la Belle Époque en France, que ce soit dans les romans populaires ou dans des revues qui combinent vulgarisation, exotisme et aventure, comme Sciences et voyages ou L’Illustration. Sur la scène, des spectacles de music-hall mettent en vedette des fakirs qui fascinent le public avec des tours spectaculaires et qui soumettent leur corps à l’épreuve du feu ou des lames, entre occultisme, pseudo-science et supercherie. Dans les romans, des personnages exercent des pouvoirs inexpliqués, usant de l’hypnose et de leur énergie psychique pour agir sur les âmes et les corps. Dans Le Prisonnier de la planète Mars de Gustave Le Rouge (1908), un ingénieur collabore par exemple avec un brahmane pour capter la puissance psychique dégagée par des milliers de fakirs et se faire ainsi projeter sur la planète Mars.

Dans l’ensemble de la sphère médiatique de la Belle Époque se constitue progressivement un répertoire de figures d’Indiennes et d’Indiens, fixant un certain nombre de personnages typiques et de schémas narratifs récurrents. La présente communication se propose de confronter les fictions romanesques et les articles parus dans les revues généralistes contemporaines qui traitent également de personnages indiens. Quelles inflexions observe-t-on entre l’univers référentiel de la presse et les représentations fictionnelles des romans populaires ? Comment certains stéréotypes tendent-ils à s’imposer et circulent-ils d’un support à l’autre ? Quel rôle jouent les illustrations dans la constitution de cet imaginaire indien ?

Cette étude visera à mettre en évidence les mécanismes de réduction et de simplification des données transmises par les reporters, les scientifiques ou les diplomates qui témoignent de leur expérience en Inde, dans la presse généraliste. On verra ainsi comment quelques traits récurrents sont isolés et agrégés dans la culture populaire afin de constituer une représentation simplifiée de l’indianité, dans une nette orientation sociale et politique. Le sujet de ma conférence sera L´Inde à travers mes ouvrages et la littérature francophone diasporique.

 

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BENTHAMI, Khadija

Docteure, Université d’attache : Cotutelle : Université de Bayreuth (Allemagne), Université Mohamed V (Maroc).

 

TITRE : « L’Inde dans l’œuvre de Sinha Shumona : un regard contemporain au-delà des “stéréotypes” occidentaux. »

A travers l’œuvre de Sinha Shumona, nous proposons de revisiter/relire/ réécrire les représentations occidentales de l’Inde, développées dans les récits littéraires et cinématographiques des XIXe et XXe siècles, qui présentent souvent une vision de ce pays qui teinte sa réalité de mysticisme et d’exotisme.

Nous examinerons alors comment l’auteure s’inscrit dans une démarche dé/reconstructive des stéréotypes développés dans les œuvres de Théophile Gautier, Pierre Loti ou encore Conan Doyle, afin de nous dévoiler la vraie “Inde”, une Inde contemporaine. En effet, Shumona privilégie les thèmes révolutionnaires et féministes qui remettent en question les structures de pouvoir, tout en réécrivant les figures classiques de l’Inde comme la dévadâsî ou la femme sacrifiée, en leur redonnant la parole. Notre communication propose une lecture croisée et complémentaire des œuvres de Shumona et de la vision occidentale de l’Inde.

Nous mettrons en avant les éléments qui opèrent une rupture avec les récits occidentaux, et créent en même temps des traits d’union, un agencement et une interconnexion entre passé et présent, entre modernité et contemporanéité. Re/dé/placer cet imaginaire et cette réalité exotique dans l’époque contemporaine nous conduit à les reconfigurer.

 

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DUFRESNE Bernard

Diplomate

 

TITRE : « Dans les années 1920-1930 Romain Rolland repousse grâce à l’Inde les frontières de la pensée occidentale »

RESUME : Au début du XXe siècle la pensée indienne est déjà bien connue en Europe. Elle reste toutefois cantonnée au monde des spécialistes. Le grand public accède au monde indien par la littérature, les récits de voyages, l’opéra, mais il s’agit d’un monde que l’on décrit avec des yeux, des valeurs, des attitudes largement extérieurs : les œuvres orientalistes mettent en scène des fakirs, bayadères, parias, ... Au plan politique l’Inde et la majorité des pays asiatiques sont des pays dominés. Leur culture, leur pensée leur vision du monde sont reçues avec condescendance.

En Europe un penseur, Romain Rolland, cherche à s’affranchir des limites qui enferment la pensée. Il a quitté Paris pour la Suisse. Au début de la guerre en 1914 il a dénoncé dans « Au-dessus de la mêlée » les sombres machinations sous-jacentes aux exaltations nationalistes. Son roman « Jean-Christophe » où s’entremêlent la France, l’Allemagne et la musique lui a valu le prix Nobel en 1916. Il a eu un premier contact avec la pensée indienne durant ses études. Trente ans plus tard, à partir de 1915-1916 il entre en relation avec des intellectuels indiens puis avec les acteurs de la lutte anticoloniale dans le sous-continent. Ils sont nombreux à lui rendre visite. Bien que n’ayant jamais pu se rendre personnellement en Inde Romain Rolland saura y déceler de grands esprits dont la pensée lui semble particulièrement féconde et dont il favorisera la circulation des idées en Europe.

En 1916 il réagit immédiatement au discours prononcé au Japon par R. Tagore sur la nécessité de mettre en valeur le génie oriental et qualifie ce discours de « tournant dans l’histoire du monde ». Il pense que la pensée orientale peut revigorer la pensée affaiblie de l’Occident. Sa biographie de Gandhi en 1923 a un succès considérable, et contribue largement à faire connaître en Europe l’apôtre de la résistance non violente. En 1924 il entre en relation avec le savant indien, Jagadis Chunder Bose. Quelques années plus tard a lieu sa première rencontre avec Jawaharlal Nehru. En 1929-1930 il publie une étude approfondie sur Ramakrishna, le sage de Calcutta, et sur son disciple Vivekananda.

A partir de 1930, la crise du modèle économique économique occidental l’incite, comme de nombreux intellectuels, à porter son attention sur l’Union Soviétique. Son intérêt pour l’Inde décroît car ce pays ne lui semble pas offrir un modèle alternatif transposable à l’Europe. Mais jusqu’à la fin de ses jours les liens avec ses amis indiens, Gandhi, Tagore, la Ramakrishna Mission, resteront très forts. Romain Rolland était un précurseur, il n’a pas été un pionnier isolé. D’autres écrivains ont à la même époque, plongé au coeur de la pensée indienne : « Sidharta » de son ami Hermann Hesse est paru en 1922 ; Carl Gustav Young a rassemblé dans « Psychologie du yoga de la Kundalinî » en 1932 ses enseignements sur la philosophie indienne. Il n’en demeure pas moins que Romain Rolland a été un passeur particulièrement actif et important de la culture indienne en Occident. Aujourd’hui encore il conserve en Inde le statut d’un grand sage occidental. Ses deux ouvrages sur Gandhi et Ramakrishna, pourtant très « datés », sont régulièrement réédités, du fait probablement de leur esprit pionnier, de leur profondeur humaine. Aujourd’hui ils n’ont rien perdu de leur fraîcheur.

 

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GAUTIER Ari

écrivain

(Annan vanakkam)

TITRE : « L’Inde dans la littérature francophone »

RESUME : Depuis très longtemps, l’Inde nourrit l’imagination occidentale et alimente les rêves féconds de l’Orient émanant de l’Occident. Les diverses images de cette Inde éternelle créées par la littérature occidentale alimentent le mythe exotique de ce pays.  Figée dans cette narration, l´Inde déroute la littérature occidentale avec ses contes fabuleux, ses histoires sordides, son misérabilisme, sa grandeur, sa spiritualité et son mysticisme. La littérature diasporique anglophone contemporaine a changé et change l´image exotique de l´Inde depuis ces dernières décennies. Mais où est la place de la littérature francophone indienne naissante ? Suit-elle la trace des récits des voyageurs, des aventuriers et des indianistes qui ont fabulé depuis des siècles sur l´Inde des Maharajas, ou s´invente-t-elle une nouvelle narration pour sortir de ce stéréotype et raconter une Inde ordinaire ?

 

 

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GIGAN Angélique

Docteure [DIRE], Professeure de Lettres

TITRE : « Nostalgies indiennes : Bernardin de Saint-Pierre ou le désir d’une authenticité perdue »

RESUME : Après un tour d’Europe et un séjour dans les colonies des Mascareignes ainsi que celle du Cap, Bernardin de Saint-Pierre s’est sédentarisé après son retour en France en 1771. Dans les années qui suivent la Révolution, ses récits ont essentiellement pour cadre l’Inde auxquelles on peut rattacher trois fictions : La Chaumière indienne (1791), Le Café de Surate (1792) et Histoire de l’Indien1 (posthume). L’intérêt de l’auteur pour l’Inde est cependant antérieur à cette fin d’Ancien Régime et remonte aux années 1760 lorsqu’il espère un poste dans les colonies françaises de l’océan Indien (il sera nommé capitaine-ingénieur en 1767). Il est en effet un grand lecteur de récits de voyage et ses écrits antérieurs à la Révolution mentionnent un intérêt certain pour l’Inde, notamment à travers la peinture des esclaves de l’île de France. Quoique l’Histoire de l’Indien, longtemps resté inédit, ait été composé dès son séjour à l’île de France2, il faut attendre les années 1790 pour que les premiers textes portant exclusivement sur l’Inde soient publiés.

L’expérience personnelle de Bernardin de Saint-Pierre et les espoirs déçus apportés par la Révolution se cristallisent dans l’Inde des castes où le détour par l’ailleurs permet de porter un regard critique double, à la fois sur l’Inde et sur la France. L’Inde est ainsi instrumentalisée à des fins idéologiques où point la satire, les personnages indiens des fictions mentionnées apparaissant comme des individus inadaptés dans une société corrompue, à la recherche d’une communauté qui accorderait une place à tous les êtres humains en vertu de leurs mérites plutôt que de leur naissance. C’est ainsi que la vie des parias et autres exilés devient un modèle à suivre, leur figure revêtant une dimension éthique et esthétique3 permettant à l’auteur de mettre en relief les thèmes qui lui sont chers depuis ses premiers écrits : une société qui accueillerait tous les êtres humains, une philosophie chrétienne issue des Evangiles ou encore une vie en osmose avec la nature vue comme la manifestation de la Providence.

Pour Bernardin de Saint-Pierre, la vie de ces personnages bannis équivaut à une sorte d’âge d’or perdu, une utopie qui souligne un désir nostalgique lié au sentiment de perte, quand bien même cette perte relève de l’imaginaire4. Il y a dans la représentation de l’Inde qui nous est donnée de lire le désir d’une authenticité perdue que la figure du proscrit illustre de façon exemplaire.

Aussi, dans cette communication, nous aimerions questionner les représentations de l’Inde dans les textes fictionnels de Bernardin de Saint-Pierre à partir d’une réflexion portant sur le sentiment de nostalgie, la vie de l’exilé étant décrite telle une promesse d’évasion et de société idéale face à un avenir inquiétant.

1 La Chaumière indienne, Le Café de Surate et Histoire de l’Indien ont fait l’objet d’une édition critique de Chantale Meure, in Bernardin de Saint-Pierre, OEuvres complètes, tome I : Romans et contes, sous la direction de Jean-Michel Racault, Classiques Garnier, « Bibliothèque du XVIIIe siècle », n° 28, 2014.

2 Voire Chantale Meure dans l’introduction de son édition de l’Histoire de l’Indien, Ibid., p. 965.

3 Voir à ce propos le récent de Philippe Delorme, Ethique et esthétique du paria, de l'origine du mot à son épiphanie romantique (1673-1873), Honoré Champion, « Romantisme Modernité », 522 p.

4 Concernant la réflexion sur l’histoire de la nostalgie, voir l’ouvrage de Thomas Dodman, Nostalgie. Histoire d’une émotion mortelle, traduit de l’anglais par A. Pateau, J. Blayac, M. St-Upéry, édition revue et augmentée par l’auteur, Seuil, « L’Univers historique », 2022, 320 p.

 

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HUET Elisa  

Docteure et ATER, LA REUNION

 

TITRE : « Paris en conte oriental. L’Europe depuis l’Ailleurs et le détour dans Fortunio de Théophile Gautier »

RESUME : En prenant pour primum mobile de notre analyse le court récit de Théophile Gautier, Fortunio, et dans une moindre mesure Partie Carrée et Avatar, cette étude propose de considérer la manière dont l’Europe, et plus précisément Paris, se voit depuis l’Ailleurs — en particulier indien — dans la première partie du XIXe siècle. Personnage pour lequel Paris est l’Ailleurs, Fortunio transforme une narration se déroulant dans la capitale française en véritable conte oriental. A partir de son référentiel, relevant à la fois du monde des sultanats, de l’ « Inde fabuleuse » des rajas que 1e fantasme l’écriture d’un Paris à son tour orientalisé, le personnage — d’origine indienne pour le narrateur — resémantise la capitale française devenue un labyrinthe ponctué d’écritures hiéroglyphiques dans lesquelles s’abîment le sens et les références des personnages parisiens se voyant à leur tour dotés d’une destinée digne des Mille et une nuits. La narration de Gautier catalyse les questionnements et les tiraillements de l’imaginaire français à l’égard de l’industrialisation européenne à l’aune de l’Ailleurs fantasmé (agrégat mêlant l’Inde, le monde perse, égyptien et l’Extrême-Orient) incarnant pour l’auteur les valeurs manquantes ou perdues de l’Europe. Par ce détour, qui ne se réduit pas uniquement à une critique de la France et de ses institutions, il est permis d’étudier l’évolution du rapport de l’imaginaire français à l’Europe et aux Ailleurs à travers cet Inde fantasmatique qu’incarne Fortunio. Ce récit, témoigne avant l’heure, d’un imaginaire tentant de se réfugier dans le rêve d’un Orient (ce continent noir s’étendant parfois de la frontière des Alpes jusqu’en Extrême-Orient) où serait préservé le rêve parnassien.

 

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LABERGE, Yves,

Université de Laval, Québec

TITRE : « L’Inde des Beatles en 1968 : qui colonise qui ? ».

RESUME : Entre 1965 et 1968, la musique de l’Inde a envahi l’univers très occidental des Beatles : sitar, thèmes ésotériques, ambiances exotiques, dès le film Help! (1965) et la chanson Norwegian Wood (1965). Mais dans ce cas, qui colonise qui? Et pourquoi l’Inde ? Dans ce schéma à deux sens (Angleterre vers l’Inde, et inversement), la fascination des Beatles pour les sonorités de l’Inde culminera avec ce voyage du groupe au printemps de 1968 pour rencontrer le Maharshi Yogi. Puis, ce sera la bifurcation, à l’été 1968, et les Beatles délaisseront abruptement l’Inde et sa musique. Plus aucune chanson des Beatles n’inclura le sitar, alors que d’autres groupes influencés par les Beatles (comme les Rolling Stones et les Moody Blues) continueront d’inclure le sitar, même à la fin de 1968.

Le but de cette conférence est de montrer le contraste pouvant exister entre une conception initiale et la vision actuelle, selon notre relecture et notre manière d’appréhender (et d’apprécier) les œuvres « indianisées » des Beatles. C’était en fait une forme d’hybridation musicale « avant la lettre », mais qui inversait subrepticement le processus de colonisation culturelle : c’était, paradoxalement, la culture de l’Inde qui envahissait les produits venus de l’Angleterre, autrefois considéré comme l’ancrage de l’Occident.

Les théories récentes en post-colonialisme, en sociologie et en Cultural Studies ont mis en évidence l’intérêt de bien situer les idéologies et les discours. L’idée même de colonisation a profondément changé, notamment avec l’avènement des recherches avancées en post-colonialisme; car désormais le contexte importe autant que le contenu.

Sur le plan théorique, nous emprunterons aux travaux de théoriciens du post- colonialisme, en sociologie de la musique et en sociologie de la culture. Le cadre théorique sera interdisciplinaire. L’approche méthodologique sera qualitative et comparative.

 

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MALZNER, Sonja

Chercheure associée de DIRE, Université du Luxembourg/Université de Rouen-Normandie

 

TITRE : « Les hippies à Goa »

RESUME : À la suite de l’euphorie pour l’Inde déclenchée par les Beatles, qui en 1968 ont entrepris une quête spirituelle en se rendant à l’ashram de Méditation Transcendantale (MT) de Maharishi Mahesh Yogi à Rishikesh, l’Inde s’est transformée en un véritable lieu de pèlerinage pour les hippies, alimentant les rêves des jeunes des États-Unis, du Canada et d’Europe. Cependant, beaucoup d’hippies rêvaient moins de découverte spirituelle par la méditation en compagnie d'un gourou dans un ashram, que de nonchalance, de consommation illimitée de drogues et de liberté sexuelle sur une plage ensoleillée bordée de palmiers : Goa, sorte de « Nirvana instantané », comme l’a ironiquement appelé l’auteure indo-américaine Gita Mehta en 1979.Dans ma contribution, je souhaite explorer le regard que portaient ces hippies-touristes sur l’Inde et ses habitants. Qu'est-il resté de l'attitude antibourgeoise, anticonsumériste et anti-impérialiste qui s’exprimait chez eux par la vénération de Che Guevara ou de Mao Tsé-Toung, sur les plages de Goa ? Se sont-ils confrontés à la réalité du pays hôte ou sont-ils plutôt restés enfermés dans des schémas de pensée colonialistes et de mythes orientalistes ?

Étant donné le peu de témoignages contemporains des hippies-touristes, je m'appuierai pour cette analyse sur des sources médiatiques qui les mettent en scène (et où ils s’expriment aussi eux-mêmes). Partant de l’hypothèse qu’il s’agit d'un phénomène essentiellement européen (occidental), je vais me concentrer sur l’analyse de deux documentaires de la télévision publique britannique et allemande (The Hippie Trail, 1971,BBC,et Erfüllte Hoffnung ? Westliche Jugend in Indien, 1972,Bayerischer Rundfunk), ainsi que du film français Les chemins de Katmandou d'André Cayatte et René Barjavel, sorti en 1969.

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MARIMOUTOU, Carpanin,

Professeur Université de La Réunion, LCF

 

TITRE : « Le texte français de Pondichéry »

RESUME : Comment, de Judith Gauthier à nos jours, le roman français (i.e., dans cette perspective, écrit par des écrivains français (ni de la diaspora, ni originaires d’autres pays francophones), construit-il des représentations de Pondichéry, comptoir français puis état particulier à l’intérieur de l’Union indienne.

 

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MIGAULT-DENIS, Juliette

 

TITRE : « Les Contes indiens de Stéphane Mallarmé :  L’Inde, source de poéticité » 

RESUME : « Contrairement aux poètes du Parnasse ou aux Symbolistes qui insèrent des thèmes, des motifs, ou encore des termes translittérés du sanskrit afin de « renouveler » leur langue poétique, l’œuvre poétique de Mallarmé est presque dénuée de toute référence à la littérature indienne. Le recueil des Contes indiens, publié de manière posthume en 1927, laisserait croire, par son titre, que Mallarmé a été influencé par le climat de « Renaissance orientale » décrit par Raymond Schwab dans son livre éponyme. Or, dans les Contes indiens, Mallarmé ne fait preuve d’aucune inventivité narrative : il s’agit d’une commande privée visant à la réécriture de quatre contes issus des Contes et légendes de l’inde ancienne de Mary Summer (1878), femme du célèbre indianiste Philippe-Edouard Foucaux. La romancière et son mari, qui rédige sa Préface, citent certaines des sources indiennes :  Le meurtrier par amour filial est la réécriture de L’Histoire d’Oupaharavarman, un extrait du Daśakumāracarita (Geste des dix princes) de Dandin et Nala et Damayanti, un extrait du Mahābhārata. Mallarmé mentionne la lecture originale de ce texte, seule référence directe à sa lecture d’un texte sanskrit, qu’il décide de « polir dans sa traduction », ainsi qu’il l’écrit dans sa Correspondance avec le docteur Fournier, le commanditaire des Contes.

Mallarmé considère en effet sa réécriture comme une « traduction » dans sa langue de poète. Contrairement à l’adaptation de Mary Summer, lisible et conforme aux attentes des lecteurs bourgeois du XIX e siècle, la « traduction » de Mallarmé tend vers davantage de poéticité : d’après Guy Laflèche, auteur de la Grammaire générative des Contes indiens, elle contiendrait l’essentiel des procédés poétiques constitutifs de son art de la suggestion, que le poète défend par ailleurs dans ses textes théoriques.

Parmi ces procédés de réécriture ou de « traduction », l’analyse littéraire comparée entre les Contes indiens et les Contes et légendes de Mary Summer révèle que le poète orientalise son récit par ajout ou amplification de thèmes ou de motifs associés à l’Inde ou à l’orient. Alors que Mary Summer tend à gommer les passages jugés immoraux, Mallarmé les accentue en déployant un art de la suggestion qui s’appuie, semble-t-il, sur la puissance évocatrice des motifs ou des thèmes littéraires associés à l’Inde, allant parfois jusqu’à rendre sa réécriture plus proche de l’expression du sentiment visé dans la version originale en sanskrit que Mary Summer.

En revenant dans un premier temps sur la représentation qu’à Mallarmé de l’Inde, nous tâcherons de montrer, par comparaison contrastive entre des extraits de Mary Summer dans le Meurtrier par amour filial et la réécriture de Mallarmé dans Le portrait enchanté, comment les thèmes et motifs indiens semblent vecteurs de poéticité. Nous pourrions ainsi convenir que sa réécriture poétique réside notamment dans une tendance à l’orientalisation.

 

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MUGNIER, Vincent

TITRE : « Des tigres et des tugs ou l’exotisme indien selon Joseph Méry »

RESUME : Joseph Méry (1797-1866) articule dans son œuvre fictionnelle (notamment La Guerre du Nizam, 1847, Histoire de ce qui n’est pas arrivé, 1858, Les Etrangleurs de l’Inde, 1859) deux motifs emblématiquement liés à l’imaginaire de l’Inde : la figure historique de Tippo-Saib, sultan surnommé le tigre du Mysore, et la secte des taugs, les « étrangleurs de l’Inde ». Nous voudrions montrer que le premier motif, mythème déjà ancien, endogène à l’hagiographie bonapartiste, sert de relai au second, allogène, d’origine bien plus récente et issu de la culture britannique. Plus précisément, la co-présence de ces deux références rend compte de l’intégration d’un certain héritage napoléonien français au sein d’une idéologie transnationale : le colonialisme. Nulle solution de continuité à cet égard entre le poétique, l’esthétique et l’idéologique dans de telles œuvres fictionnelles dont l’objectif avoué est clairement politique. Afin de souligner la singularité de l’exotisme tel que le conçoit Méry, il est révélateur de mettre en regard La Guerre du Nizam et Partie Carrée de Théophile Gautier publié à un an de distance, en 1848. Au monologisme de l’un pour qui l’histoire téléologique a pour vocation d’intégrer le divers répond le scepticisme historique de l’autre, lequel refuse de choisir entre Orient et Occident, entre esthétique barbare et Lumières européennes.

 

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ORGUEIL, Maëva

Doctorante, Université Paris IV

 

TITRE : D’une Inde pour l’Art à une Inde pour plaire : l’exemple des intérieurs londoniens dans Partie Carrée de Théophile Gautier et Le dernier mot de Rocambole de Pierre Alexis de Ponson du Terrail 

RESUME :

Les « contestataires » seront volontiers attirés par l’Inde alors que ceux qui se sentent « à l’aise dans le système » auront tendance à la repousser avec horreur et mépris[1]. Au regard de la considération d’une Inde littéraire « ni découverte, ni inventée, mais construite, mais fabriquée[2] », ce constat de Michel Hulin ne manque pas d’interpeler. En effet, sous la plume de Théophile Gautier, l’Inde de Partie Carrée (La Presse, 20 septembre – 15 octobre 1848) est associée à la dénonciation artistique d’un Occident médiocre, malmené par une modernité annihilatrice du Beau. Près de vingt ans plus tard, Pierre Alexis de Ponson du Terrail considère le fantasme d’une menace a priori indienne comme outil de valorisation d’une France forte, virile et active incarnée par le prométhéen héros Rocambole. À une Inde romantique renvoyant à la vieille Europe le reflet de son embourgeoisement semble ainsi succéder, dans une certaine mesure, une Inde populaire confortant les valeurs d’un système eurocentré masculin et téméraire. Or, aussi antithétiques qu’elles puissent paraître, ces Indes se trouvent dans les deux cas nourries par un ensemble de stéréotypes solidement ancrés rassurant les représentations d’un lectorat français avide d’Ailleurs et d’exotisme. Morcelée, prélevée et injectée au cœur de la tentaculaire capitale anglaise, l’Inde des romans et des séries populaires est alors révélée à la discrétion du privilégié, invité par les narrateurs à en découvrir les secrets.

De ces mystérieux intérieurs londoniens, Théophile Gautier et Pierre Alexis de Ponson du Terrail donnent un aperçu particulier. Olfactive et associée au rêve, localisée mais non localisable permettant, tel un miroir sans tain, d’observer la société londonienne, la maison de Dakcha est le théâtre de la réincarnation du comte de Volmerange en Prince de la dynastie lunaire. Rappelé à ses racines indiennes, Volmerange est alors envoyé en Inde afin de mener une révolte contre les Anglais. Insérée dans une maison de gentleman mais interdite d’accès au Chrétien, précisément identifiable mais préservée de la curiosité du vulgaire, la « pagode miniature » de George Stowe est à la fois « monstrueuse » et « ridicule ». Pourtant, les mêmes peintures étranges couvrent les murs de ces deux intérieurs, les mêmes sculptures bizarres en ornent les pièces mystérieuses. À partir de l’analyse de ces espaces privés, nourris par les mêmes stéréotypes mais alimentant une intention radicalement différente, cette communication tâchera ainsi de proposer une étude comparative entre l’Inde romantique de Théophile Gautier et l’Inde populaire de Pierre Alexis de Ponson du Terrail, autrement dit une Inde plastique (qui dénonce) et une Inde pratique (qui valorise). 

 

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PARVATY-MARIMOUTOU, Caroline

ATER Université de La Réunion - Département d’Études Hispaniques - DIRE

TITRE : « L’Inde poétique d’Octavio Paz : déroute, dérivation, détournement ? »

RESUME : résumé à venir

 

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RANJAN, Manish,

BANARAS HINDU UNIVERSITY Maître de conférences

 

TITRE : "East Meets West: Humanism and the Search for Purpose in the Work of Tagore and Camus – A Comparative Analysis."

RESUME : résumé à venir

 

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REGENT-SUSINI, Anne

Professeure de littérature française, Université Sorbonne nouvelle

 

TITRE : "Pondichéry dans le Journal d’un voyage fait aux Indes orientales de Robert Challe : sexe et sacré"

RESUME :  Voyageur infatigable et éminemment singulier, Robert Challe dresse de Pondichéry (alors récemment fondée comme tête de pont du commerce français en Inde) un tableau saisissant, le plus provocant sans doute de tout le Journal d’un voyage fait aux Indes orientales qu’il ramène en 1691 de son périple manqué vers Siam, republié à La Haye juste après sa mort en 1721 dans une version plus étoffée et plus polémique. S’y esquisse un intéressant comparatisme sociologique, qui fait émerger des structures données pour universelles tout autant que des points de divergence admiratifs, horrifiés ou amusés ; ainsi, la dénonciation des pratiques sexuelles attribuées aux Indiens (et surtout aux Indiennes) y est aussi ambigüe que le rapport au lecteur qu’elle construit. Espace de révélation, sur le mode de la similitude comme sur le mode du contraste, des turpitudes européennes, cette évocation devient, avant même les écrits des Philosophes, l’occasion d'un retournement des topoi missionnaires et d’un audacieux règlement de compte contre le clergé et les superstitions catholiques, voire d’un soupçon jeté sur le dogme lui-même – l’Inde apparaissant non seulement comme un miroir, mais comme un révélateur salutaire. Entre instrumentalisation et fascination, Pondichéry devient ainsi l’espace d’une expérience inédite de libre pensée, dessinant un universalisme négatif à la fois sombre et railleur : celui d’une humanité dans laquelle le sacré a partie liée avec la sexualité, et la religion avec la déraison.

 

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REYNAUD-PALIGOT, Carole

TITRE : Entre aryanisme et primitivisme : l’Inde vue par les élites savantes françaises

RESUME : Aux XVIIe et XVIIIe siècles, des savants établissent la parenté entre le sanskrit, le grec et le latin et nomment indo-européennes ces langues aux racines communes. Ces découvertes linguistiques se diffusent, au début du XIXe siècle, dans la communauté intellectuelle allemande. Le romancier, historien et diplomate Friedrich Schlegel déduit de cette parenté linguistique l’idée d’une commune origine et professe dès les premières années du siècle que la civilisation s’est répandue en Europe grâce à l’arrivée d’hommes, venus d’Inde, détenteurs d’une langue et d’une culture supérieures.  Des linguistes, archéologues et anthropologistes (Jakob Grimm Theodor Poesche, Karl Penka, Gustaf Kossinna) popularisent l’idée que ces populations, que l’on nomment Aryens, Indo-Germains ou encore Indo-Européens, auraient joué un rôle déterminant dans le développement de la civilisation européenne. L’idée d’une division entre deux grandes familles linguistiques et raciales, les Sémites et les Indo-Germains, se propage largement en Europe. Le suédois Anders Adolphe Retzius qui mit au point l’indice céphalique et la fameuse distinction entre brachycéphale et dolichocéphale, nomme aryenne la race dolichocéphale qui aurait envahi l’Europe au temps préhistorique. Michelet, traducteur de Grimm, évoque dans son Histoire romaine la « longue lutte du monde sémitique et du monde indo-germanique » tandis que Renan est un des plus actifs propagateurs de ces thèses grâce à sa Vie de Jésus traduite en dix langues dès sa publication en 1863.

Cette communication se propose d’analyser la racialisation du mythe aryen en France, dans un contexte d’extrêmes rivalités entre les principales nations européennes. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la communauté anthropologique française voit dans les Indo-Européens une branche commune aux peuples d’Europe et tente de démontrer « scientifiquement », à l’aide des mesures anthropométriques, les différences raciales de ce rameau indo-européen, tandis que philologues, philosophes et historiens adhérent sans hésitation à ce mythe. Cette racialisation du mythe aryen s’opère dans un contexte d’essor d’une culture raciale qui imprègne profondément la culture occidentale et qui prend source dans la « science des races » alors incarnation de l’avant-garde scientifique. Néanmoins, cette racialisation prend des modalités sensiblement différentes, entre les visions qui célèbrent la supériorité de la branche nordique des Aryens (Arthur Gobineau, Vacher de Lapouge, Victor Courtet de l’Isle) et la grande majorité des intellectuels et savants qui préfèrent louer les vertus de la branche celtique du rameau européen. La vision de l’Inde ne se réduit néanmoins pas à la glorieuse épopée des Indo-européens, d’autres populations indiennes ont attiré l’attention des savants de l’époque. Des populations de chasseurs-cueilleurs du Sud de l’Inde ont été alors perçus comme l’incarnation d’une humanité primitive considérée comme un maillon intermédiaire entre les grands singes et la version censée être la plus aboutie de l’espèce humaine, l’homme blanc européen.

 

 

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SYLVOS, Françoise

Université de La Réunion

TITRE : « La fortune du mythe de Sacountala à l’époque de Théophile Gautier »

RESUME :  Ma conférence portera sur l'adaptation du passage du Mahabharata consacré à Sacountala par Théophile Gautier. L'épisode a fait l'objet d'une oeuvre sculpturale admirable de la part de Camille Claudel, au point qu'une exposition est actuellement consacrée au Sakountala qui est son premier chef-d'oeuvre (Musée de Nogent-Sur-Seine). De nombreuses adaptations du récit existent dans différents domaines de l'art, jusqu'à nos jours, y compris dans la culture Bollywood. Cependant, nous centrerons notre propos sur l'adaptation du mythe par Théophile Gautier, nous attachant au livret, aux décors dont il nous est resté les dessins et à la réception du ballet dans la presse de l'époque.

 

 

 

 

 

 

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[1] Michel Hulin, Christine Maillard (dir.), L’Inde inspiratrice. Réception de l’Inde en France et en Allemagne (XIXe & XXe siècles), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Faustus-Études germaniques », 1996. Citation exacte : « Plus généralement, ceux qui sont en accord avec les orientations dominantes de la société, à tel moment et dans tel pays, ceux qui se sentent « à l’aise dans le système » auront tendance, toutes choses égales d’ailleurs, à se détourner de l’Inde, voire à la repousser avec horreur et mépris. En revanche, les « contestataires » de tous bords seront volontiers attirés par elle, que ce soit au nom d’une exigence radicale de liberté individuelle face au pouvoir répressif des Églises, des partis et autres institutions, ou bien au nom d’un Ordre plus organique que celui de l’État bourgeois », Michel Hulin, « L’Inde comme lieu des figures de l’Autre », op. cit., p. 20.

[2] Catherine Weinberger-Thomas, « Les yeux fertiles de la mémoire » dans Catherine Weinberger-Thomas (dir.), L’Inde et l’imaginaire. India in Western imagination, Paris, Éditions de l’École des Hautes-Études en Sciences Sociales, coll. « Purusartha », 1988.

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